Les membres de l’ONG ‘’ Mêmes Droits Pour Tous (M.D.T) et et des Advocates for Community Alternatives (A.C.A) ; ont conféré avec des journalistes ce mercredi, 23 décembre 2020 à la MDP. Dans une déclaration dont Laguinee.info détient copie, cette ONG de défense des Droits de l’Homme a exprimé les « Les attentes des victimes de Zogota après l’arrêt de la cour de CEDEAO ».
Laguinee.info vous propose ci-dessous l’intégralité de cette déclaration.
LES ATTENTES DES VICTIMES DE ZOGOTA APRES L’ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE DE LA CEDEAO
Contacts presse :
Guinée :
Foromo Frédéric Loua, Président, Les Mêmes Droits pour Tous
+224 622 334 619 | fredericloua@gmail.com; mdtguinee@gmail.com
Pépé Antoine Lama, Avocat
+224 664 459 502 | pepeantoine83@gmail.com
Kpakilé Gnédawolo Kolié, Président, Communauté de Zogota
+224 660 926 929
International :
Jonathan Kaufman, Directeur Exécutif, Advocates for Community Alternatives
+233 55 555 0377 | jonathan@advocatesforalternatives.org,
Lalla Moulati Touré, Coordinatrice régionale, Advocates for Community Alternatives
+223 55 831 6367 | lalla@advocatesforalternatives.org
CONAKRY, 23 DÉCEMBRE 2020 – Il y a un mois, la Cour de justice de la CEDEAO a jugé que l’Etat de
Guinée était responsable de meurtres, actes de torture, arrestations arbitraires et déni de justice dans l’affaire du massacre de 2012 au cours duquel les forces de sécurité ont attaqué des habitants non armés dans le village de Zoghota pour les punir d’avoir manifesté contre une société minière.
Aujourd'hui, les survivants de ce massacre demandent à la République de Guinée de respecter le jugement, d'enquêter et de punir l'entreprise et les commandants des forces de sécurité qui ont perpétré ces crimes, et d'indemniser la communauté pour les violations de leurs droits humains.
Aux environs de 1h du matin, le 4 août 2012, les forces de sécurité guinéennes sont entrées dans la
communauté, tirant sauvagement sur tout ce qui bougeait. Ils ont tué six villageois, blessé plusieurs
autres, incendié des maisons et volé des biens personnels. « Ils sont venus la nuit, alors que les gens dormaient », a déclaré Kpakilé Gnédawolo Kolié, le président de la communauté, qui est également le chef du collectif des victimes du massacre. « Nous avons été réveillés par le bruit des balles, et quand les gens sont sortis pour voir ce qui se passait, ils ont abattu nos pères et nos frères. Certains villageois arrêtés lors de l'attaque ont été torturés par des agents de force de sécurité qui les ont coupés aux bras, au cou et aux poignets. Les forces de sécurité ont également arrêté et torturé arbitrairement des habitants de Zoghota avant et après le massacre.
L'attaque était des représailles pour une manifestation à grande échelle contre les pratiques d'emploi et la destruction de l'environnement dans la mine de minerai de fer de Zoghota appartenant à Vale-BSG Resources (VBG), un conglomérat minier international. Au cours des manifestations, des villageois de plusieurs communautés entourant la mine – dirigés par les habitants du village de Zoghota – ont occupé le site de la mine et ont été accusés d'avoir détruit les biens de l'entreprise.
Le massacre n'a jamais fait l'objet d'une enquête par les autorités guinéennes. Les forces de sécurité et de l'entreprise ont fourni des explications contradictoires sur les meurtres. L'organisation guinéenne des droits de l'homme Les Mêmes Droits pour Tous (MDT) a déposé une plainte pénale contre plusieurs responsables des forces de sécurité en 2012, mais l'affaire n'a jamais avancé. La plupart des accusés ont refusé de comparaître devant le juge d’instruction et le dossier a finalement
été transféré à un tribunal militaire, où il est laissé aux oubliettes. La responsabilité de la société
minière n’a jamais fait l’objet d’une enquête approfondie, malgré des preuves évidentes de sa
participation à la planification et à l’exécution de l’attaque. « En octobre 2018, nous avons décidé de porter l'affaire devant la Cour de justice de la CEDEAO, un tribunal régional ayant le pouvoir de tenir les États d'Afrique de l'Ouest responsables de violations des droits humains », a déclaré Me Pépé Antoine Lama, avocat de MDT et membre du Conseil de l’Ordre du Barreau de Guinée. Les habitants de Zoghota étaient représentés par MDT et Advocates for Community Alternatives (ACA), une organisation de défense des droits humains basée au Ghana qui aide les communautés affectées par les industries extractives. Et le 10 novembre 2020, les prières des habitants de Zogota ont été exaucées : la Cour a rendu une décision confirmant
leurs allégations.
« La Cour a reconnu que les forces de sécurité guinéennes avaient violé le droit à la vie, le droit de ne pas être soumis à la torture et aux arrestations arbitraires, ainsi que le droit à un recours juridique
efficace », a déclaré Me Foromo Frédéric Loua, président de MDT. « Enfin, après huit longues
années, les auteurs de ces actes odieux seront tenus responsables de leurs crimes » ajoute-t-il. La
Cour a donné un délai de six mois à l’Etat payer un montant total de 4,56 milliards de francs
guinéens (environ 463000 dollars américains) aux victimes et à leurs familles.
Grâce aux efforts de MDT, plusieurs témoins ont été interrogés par un juge d'instruction guinéen.
Cependant les victimes du massacre attendent impatiemment que l'État de Guinée prenne des mesures idoines et promptes pour les indemniser et traduire en justice les auteurs de ce massacre.
« L'attaque de notre village nous a arraché de l’affection de nos fils, pères et maris », a déclaré
Thérèse Soropogui, mère de Nabolo Kolié, l'une des victimes du massacre. « Nous avons perdu les personnes qui soutenaient nos familles et nous souffrons encore huit ans plus tard » ajoute-t-elle. Selon Lalla Touré, experte en droits de l'homme et coordinatrice juridique d’ACA, les normes internationales appellent à une indemnisation et à des poursuites pénales en cas de violation des droits de l'homme.
« L’indemnisation permettra aux victimes du massacre de Zoghota de reconstruire leur vie, et la
justice pénale révélera la vérité et garantira que de tels crimes ne se reproduisent à l’avenir », a déclaré
Touré.
La décision de la Cour de justice de la CEDEAO a également des implications importantes pour
l’avenir de l’exploitation minière autour de Zoghota. VBG a suspendu ses opérations à Zoghota
après le massacre, puis a perdu sa concession minière lors d’un énorme scandale de corruption.
Cependant, la Guinée a récemment annoncé son intention de réattribuer la concession à Niron
Metals, une société liée à Beny Steinmetz, l’un des propriétaires et bénéficiaires ultimes de VBG. «
Les habitants de Zoghota ont dit au gouvernement qu'ils n'accepteront jamais l'exploitation minière sans que justice ne soit rendue au niveau national, », a déclaré Jonathan Kaufman, directeur exécutif
de ACA. « Il appartient maintenant à l’État de briser le cycle de l’impunité, de donner aux habitants
de Zoghota la justice qu’ils méritent et d’aider chacun à progresser vers un avenir meilleur. » ajoute-
t-il.
Les Mêmes Droits pour Tous (MDT) est une association pour la défense et la promotion des droits de l’homme. Elle a été créée par des avocats guinéens et de jeunes professionnels du droit pour lutter contre les violations des droits
humains en Guinée. MDT a mené une première mission d’enquête à Zogota juste après les évènements en 2012 et
depuis accompagne et soutient les victimes dans leur quête de justice.
Advocates for Community Alternatives (ACA) est une organisation qui aide les communautés de l’Afrique de l’Ouest menacées ou affectées par les impacts destructifs des industries extractives. ACA travaille avec les communautés pour qu’elles prennent le contrôle de leur futur et œuvre avec elles pour concevoir des programmes de
développement durable. ACA est coordinateur d’un réseau d’avocats et autres professionnels appelé PILIWA pour apporter une assistance juridique et judiciaire aux communautés dans le besoin. C’est dans ce cadre que ACA travaille en partenariat avec MDT pour soutenir l’association à fournir une assistance juridique aux victimes de zogota.