vendredi, novembre 22, 2024
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CPI, crise politique et sanitaire en Guinée: Cellou Dalein Diallo ouvre son « cœur »

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CONAKRY-Alors que la Guinée est frappée de plein fouet par une double crise politique et sanitaire, Cellou Dalein Diallo le principal opposant au d’Alpha Condé a brisé le silence à nouveau.

Comment appréhende-t-il la gestion de l’épidémie de Covid-19 par les autorités guinéennes ? Que préconise-t-il pour inverser la tendance actuelle alors que le pays avoisine les 2.500 cas confirmés ? Quelles ses attentes vis-à-vis du signalement que les avocats du FNDC viennent d’introduire à la Cour Pénale Internationale ? Le leader de l’Union des Forces Démocratiques (UFDG) a ouvert son cœur à votre quotidien en ligne.

A l’instar des autres pays du monde, la Guinée est frappée par la pandémie de Covid-19 qui est apparemment hors contrôle. Quelle analyse faites-vous de la gestion de cette pandémie par le gouvernement guinéen ?

CELLOU DALEIN DIALLO : A mes yeux, cette gestion n’a pas été à la hauteur des risques que comportait la pandémie. Malgré sa présence avérée dans notre pays, Alpha Condé a préféré exposer notre vie et notre santé en continuant la campagne électorale et en organisant son double scrutin le 22 mars. Certains le soupçonnent d’avoir fait suspendre les tests de dépistage en attendant l’organisation de son référendum.

La première disposition qu’Alpha Condé aurait dû prendre à l’annonce de la présence de la pandémie le 12 mars était de mettre fin à la campagne électorale et de reporter sine die les élections. Nul n’ignore en effet que l’attroupement que favorise une campagne électorale et l’organisation d’un scrutin augmentent inévitablement les risques de propagation du virus.

Même après sa mascarade, en dépit de la propagation à un rythme effréné de la pandémie dans notre pays, Alpha Condé ne s’est pas soucié de calmer les tensions et de rassembler les guinéens pour faire face au danger sanitaire. Il ne s’est pas non plus occupé d’organiser son administration pour la riposte. Il s’est plutôt attelé à promulguer sa Constitution illégale, à installer son Parlement illégitime et à régler les comptes de ses adversaires politiques.

Jusqu’à maintenant, malgré la trêve décidée par le FNDC en raison de la pandémie et les appels de l’OMS et des Nations Unies au désengorgement des prisons, Alpha Condé continue d’arrêter et de séquestrer des cadres du FNDC, se montrant plus préoccupé par l’élimination de toute opposition à son régime que par l’éradication de la maladie.

Le gouvernement a annoncé un plan économique de riposte chiffré à de plus de 3000 milliards de francs guinéens. Vous semble-t-il réaliste ?

La question qu’il convient plutôt de poser est celle de l’allocation effective de ces ressources, si elles sont obtenues, à la lutte contre la pandémie et à l’atténuation de ses conséquences économiques et sociales. Il est en effet à craindre qu’une bonne partie de ces ressources ne soit détournée par la classe dirigeante beaucoup plus encline à se remplir les poches qu’à servir l’intérêt général.

Il serait plus judicieux pour la gestion financière de ce plan de riposte de mettre en place une commission comprenant des représentants de la société civile, de la presse, du secteur privé et des partenaires techniques et financiers pour sécuriser les ressources et s’assurer de leur utilisation transparente et efficiente.

En ce qui concerne le plan de riposte lui-même, le montant est faible par rapport aux risques et menaces qui pèsent sur l’économie si le virus continue de se propager au rythme actuel.

En plus, lorsqu’on connait le poids du secteur informel et de l’agriculture dans notre économie, on se pose la question de savoir ce qui est réservé réellement à ces deux secteurs.

Pour le secteur formel, il est prévu le report des charges fiscales pour trois mois en faveur des PME et des PMI. A la place du report, il aurait fallu une exonération pure et simple ou au moins une réduction de 50% de ces charges.

Pour le secteur de l’hôtellerie et du tourisme, le report du paiement de la TVA n’aura aucune incidence dès lors que les hôtels sont vides et il n’y aura donc pas de chiffres d’affaires à soumettre à cette taxe. Aucun document portant sur les critères d’éligibilité et les conditions d’accès aux compensations annoncées n’est disponible à notre connaissance.

Une décision susceptible de soulager les populations dans la mesure où elle contribuerait à la réduction du coût de transport des personnes et des biens, y compris les denrées de première nécessité, est la réduction du prix du carburant. A cet égard, il existe une marge non négligeable dans la structure du prix des produits pétroliers. Dans le prix à la pompe de 9000 FG, il y a 4700 qui reviennent à l’État. Celui-ci peut renoncer à la moitié ou aux deux tiers de ce montant pour permettre de vendre le litre du carburant à 6500 FG.

Ce plan a suscité une vive controverse lorsque la Banque Mondiale a décelé une surévaluation de plus de 40 millions de dollars. Qu’est-ce tout cela vous inspire ?

La surfacturation et les marchés de gré à gré sont une pratique courante de ce gouvernement. Heureusement que la Banque Mondiale a été d’une grande vigilance. Nous la félicitons. C’est pourquoi nous disons plus haut qu’il est important que la gestion financière du plan de riposte soit assurée par une commission pluridisciplinaire pour sécuriser les ressources que la communauté internationale ne manquera pas de mettre à notre disposition et pour s’assurer de leur utilisation transparente et efficiente.

La divulgation de ces informations par la banque mondiale a provoqué une sorte de cacophonie au sommet de l’État alors que la vitesse de progression du coronavirus est exponentielle. Comment observez-vous tout ça ?

Cette cacophonie est une manifestation des luttes d’influence que se livrent les clans plus préoccupés par la défense de leurs positions et la préservation de leurs intérêts personnels. N’oubliez pas que nous sommes dans un contexte de fin de règne et de guerre de successions.

La Guinée est devenue l’un des foyers de l’Épidémie en Afrique de l’Ouest avec plus de 2000 cas de Covid-19 enregistrés. Avez-vous des recommandations à faire au gouvernement dans le cadre de la lutte contre la crise sanitaire ?

L’efficacité de la lutte contre le coronavirus passe par la prévention, le dépistage, l’isolement et le traitement des cas testés positifs ainsi que le suivi de leurs contacts. En effet, pour lutter contre la propagation du virus, il faut d’abord engager des actions fortes de prévention et acquérir les capacités suffisantes de dépistage afin d’identifier, d’isoler et de traiter les porteurs du virus. Le gouvernement a certes engagé des actions de prévention mais bien tardivement, sans s’assurer de leur application réelle et effective. Le premier à violer l’interdiction de regroupement de plus de 20 personnes est le gouvernement à l’occasion de l’installation du Parlement issu de la mascarade électorale du 22 mars.

Il convient également d’améliorer et d’adapter la communication gouvernementale à la situation de crise. Ce n’est pas « en mettant du menthelaton dans le nez et en buvant souvent de l’eau chaude » comme le préconise le plus sérieusement du monde le professeur Alpha Condé que nous viendrons à bout de la pandémie. Il faut une communication transparente et responsable qui accentue la sensibilisation des populations sur le respect rigoureux des gestes barrières, des règles de distanciation sociale et du port de la bavette afin de rompre les chaines de contamination.

Pensez-vous qu’un confinement des populations à domicile pendant une certaine période pourrait rompre la chaine de transmission ?

Si le confinement peut effectivement rompre la chaine de transmission, cette mesure reste difficile à réaliser dans un contexte où les populations vivent au jour le jour. En effet, les conséquences d’une telle mesure sur le plan humain et économique seront désastreuses dans des pays comme la Guinée où le secteur informel est prédominant. Sans compter que l’État ne pourrait pas faire face aux exigences d’un confinement général.

Cependant, on peut envisager des confinements ciblés qui consistent à identifier et à isoler des personnes ou des groupes de personnes infectés ou très vulnérables à la Covid-19 telles que les agglomérations devenues des foyers du virus, les personnes âgées ou souffrant de maladies chroniques.

Les avocats du FNDC Maîtres William BOURDON et Vincent BRENGARTH ont saisi la Cour Pénale Internationale des crimes commis ces derniers mois en Guinée sur les opposants au projet de troisième mandat. Beaucoup émettent des doutes sur les chances que cette procédure aboutisse dans les meilleurs délais. Avez-vous le même pressentiment ?

Avoir des doutes est une chose qui est permise en toute matière car il faut se méfier des certitudes… Le temps raisonnablement nécessaire à une institution comme la CPI pour dire le droit ne peut que rarement correspondre à la légitime impatience de ceux qui aspirent à ce que justice leur soit rendue, surtout lorsqu’elle leur a été déniée dans leur propre pays.

Depuis l’accession au pouvoir d’Alpha Condé, on dénombre plus de 200 victimes tuées à bout portant par les forces de défense et de sécurité lors des manifestations politiques et syndicales. Aucune enquête n’a été diligentée pour identifier les auteurs de ces crimes et aucune sanction administrative n’a été non plus prise à l’endroit d’un responsable de la police et de la gendarmerie.

Pour nous, il est important que la communauté internationale soit informée de cette situation caractérisée par des violations systématiques et généralisées des droits de l’homme, susceptibles de revêtir la qualification de crimes contre l’humanité. La pertinence des éléments factuels et conceptuels signalés à la CPI ne laisse aucun doute sur le bien-fondé de la démarche du FNDC.

Nous nous réjouissons donc que l’affaire soit désormais portée au niveau des juridictions internationales et nous ne comptons pas nous arrêter là.

Quel est votre dernier message ?

Les impacts sanitaires, politiques, économiques et sociaux de la Covid-19 s’annoncent violents. La priorité est de faire face à la crise sanitaire et au soutien des initiatives destinées à atténuer les conséquences économiques et sociales de la pandémie sur notre peuple.

Cela dit, la lutte contre la Covid-19 ne saurait éclipser les besoins de démocratie et de bonne gouvernance auxquels aspirent les guinéens. Aujourd’hui, c’est tout aussi la santé des citoyens que leurs droits fondamentaux qui sont en danger. Il y a donc urgence à agir pour sauvegarder la vie et la santé du peuple de Guinée et pour reconquérir nos droits et libertés que Alpha Condé veut confisquer.

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